L' a r t   i n u i t  


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Selon les archéologues, les premières traces d’art inuit apparaîtraient à la culture dorsétienne (1000 av-1000 ap JC). C’est un art sacré lié au chamanisme où de petites amulettes en ronde-bosse sont sculptées dans de l’os ou de l’ivoire (représentation d’ours polaire par exemple). Les armes sont aussi décorées pour protéger le chasseur et attirer le gibier.

L’art de la culture thuléenne (1000-1600 ap JC) est plus décoratif. On voit apparaître de nouveaux décors géométriques et pointillés sur les armes (tête de harpon), les arcs à forer, les objets domestiques (peignes, jouets…)

A partir du XVIème siècle, la population inuit entre en contact de façon sporadique avec les premiers explorateurs, tels que Martin Frobisher en 1576 et John Davis en 1585.
Les contacts vont se répéter et se développer au XVIIIème siècle avec les baleiniers qui échangent des produits et denrées d’importation (thé, tabac, sucre…) contre des miniatures en ivoire de morse gravé, des vêtements en fourrures ou des équipements de chasse.

Mais c’est surtout au XIXème siècle que les échanges entre Européens et Inuit vont s’intensifier et devenir plus réguliers.

Les comptoirs liés à la traite de la fourrure se multiplient, les commerçants s’installent et portent de plus en plus d’intérêt à la production d’ivoire gravée (amulettes, jouets et objets quotidiens miniatures). Ces miniatures d’ivoire deviennent d’ailleurs une véritable monnaie d’échange contre des outils en fer, des fusils, et des produits alimentaires, entraînant une forme de revenu régulier pour beaucoup d’Inuit. Ainsi, voyant croître l’intérêt pour les miniatures en ivoire, les Inuit adaptent leur production à la demande extérieure et la transforme en production dite de « souvenirs » : art profane motivé par l’aspect économique. Cependant, les Inuit continuent quand même de sculpter et graver des objets, sacrés et plus raffinés, pour leur propre utilisation.

Dans les années 1930, la dépression entraîne la chute du prix de la fourrure. La plupart des Inuit, devenus très dépendants de ce commerce, se replient sur le commerce de « souvenirs » et de l’artisanat avec l’aide de la Hudson Bay Company de la Guilde Canadienne des métiers d’art.
En 1939, la Guilde Canadienne des métiers d’art organise une exposition de la collection du Révérand A. F. Fleming. Les responsables suggèrent également d’organiser un concours afin d’améliorer la production inuit mais le déclenchement de la Seconde Guerre Mondiale stoppe tout initiative.
Ce n’est qu’après la guerre que l’intérêt pour la production artistique inuit va s’intensifier. Ainsi en 1948, James A. Houston, jeune artiste canadien qui jouera un rôle majeur dans l’épanouissement de l’art inuit, se rend à Inukjuak (Nunavik) et découvre la production artistique inuit qu’il entreprend de collecter (surtout des miniatures en ivoire). Il va même jusqu’à passer commande directement auprès des Inuit.
Après un deuxième voyage à Inukjuak, en partie financé par le gouvernement fédéral canadien, une exposition-vente est organisée en novembre 1949 à Montréal par la Guilde. C’est un véritable succès médiatique qui restera un événement majeur dans les débuts de l’art contemporain inuit.
Plus tard, l’art inuit s’étend à tout le continent américain avec des expositions à New-York, Calgary, Toronto, la National Gallery d’Ottawa, puis à l’étranger avec une exposition à Londres en 1953.
À partir des années 1950, la pierre supplante peu à peu les matériaux traditionnels (os de baleine, ivoire de morse ou de narval, bois de caribou ou bois de flottage). Constatant l’épuisement de l’ivoire et l’accroissement de la demande étrangère, James A. Houston encourage les sculpteurs à exploiter la pierre de leur région (stéatite ou pierre à savon, serpentine, serpentinite…). Progressivement les volumes des sculptures augmentent et les outils auparavant utilisés (hachette, râpes…) sont remplacés par des outils modernes (scies éléctriques, perceuses, sableuses…).
La sculpture inuit est une pratique ancestrale qui a beaucoup évolué depuis le début du XXème siècle. Les artistes ont souvent adapté leur création en fonction de la demande non-inuit mais aussi de la matière première. Ainsi, on a vu naître des différences stylistiques et thématiques selon les régions au Nunavut et au Nunavik.

Au Nunavut, on parle beaucoup de la grande créativité des sculpteurs de Cape Dorset (Kinngait) dont les thèmes de prédilection sont les animaux et les créatures hybrides mi-homme mi-animal, esprits surgissant de l’imaginaire inuit.

Baker Lake (Qamanittuaq) représente, en volumes massifs, aussi bien des figures humaines qu’animales alors qu’Arviat, tendant vers la simplification et l’abstraction, priviligie les représentations de la famille, de la communauté, thèmes universels.
Plus à l’Ouest, les sculpteurs de Taloyoak (Talurjuaq) ou Gjoa Haven (Uqsuqtuuq) travaillent essentiellement l’os de baleine fossilisé et jouent habillement avec sa texture et sa forme pour composer des êtres étranges, parfois surréalistes, surgissant du monde des esprits, héritage chamanique.

Les arts graphiques (dessins, gravures, estampes et lithographies…) se sont également développés depuis la fin des années 50. En effet, en 1957, James A. Houston introduit l’estampe à Cape Dorset. Cette technique est très vite adoptée par les artistes inuit et un atelier est crée. D’autres ateliers vont suivre comme à Puvirnituq (au Nunavik) en 1961, à Holman (Uluqsaqtuua dans les Territoires du Nord-Ouest) mais aussi à Baker Lake en 1969 et Pangnirtung (Panniqtuuq) en 1973 par le fils de James, John Houston. Chacun de ces ateliers détient son propre style et privilégie, comme en sculpture, certains thèmes. Les estampes de Pangnirtung proposent ainsi surtout des scènes de la vie quotidiennes alors que Cape Dorset met d’avantage en valeur la couleur et les formes pour traiter principalement le monde animalier.
Les arts textiles, essentiellement une pratique féminine, se sont répandus avec l’atelier de tentures murales de Baker Lake en 1960 et l’atelier de tapisseries de Pangnirtung en 1970.
La création de bijoux en os, ivoire, argent, cuivre ou or est plus récente. Une formation au Nunavut Arctic College à Iqaluit a d’ailleurs été créée en 1990 pour les artistes inuit.

Quelques grands artistes :

CAPE DORSET

Kenojuak (Qinnuajuak) Ashevak (1927- )
Nunavut, 1992
Lithographie réhaussée à l’aquarelle
Imprimeur: Pitseolak Niviaqsi
120 x 134 cm

The visitation, 2002
Gravure à l’eau forte et aquatinte
42.1 x 43.9 cm
Splash, 2002
Gravure à l’eau forte et aquatinte
33.5 x 38.7 cm

Pitaloosie Saila (1942- )
Tunnilik arnaq, 2002
Lithographie
Imprimeur : Niviaksie Quvianaqtuliaq
57.3 x 66 cm
Femme et oiseau des neiges, 1973
Gravure sur pierre et pochoir
Imprimeur : Lukta Qiatsuk
61.5 x 43 cm

Madone arctique, 1980
Gravure sur pierre et pochoir
Imprimeur : Simigak Simeonie
60 x 71 cm

ARVIAT

Lucy Tasseor Tutsweetok (1934- )
Inuit, Itqiliit, Unaliit amma Qablunaat, 1991
Calcaire,
91.7 x 43 x 36.6 cm
Composition
Basalte
21.5 x 22.8 x 7.6 cm

Composition of faces
Basalte
25.4 x 14 x 11.5 cm


John Pangnark (1920-1980)

Femme avec parka
Basalte
15.8 x 8.3 x
4 cm
Personnage
Basalte
8.9 x 14.6 x 6.3 cm

Femme agenouillée
Stéatite
7.6 x 17.8 x 12.7 cm


GJOA HAVEN

Judas Ullulaq (1937-1999)

Happy hunter with geese, 1988
Corne de bœuf musqué, bois de caribou, pierre
76.5 x 60 x 35.1 cm
Amayukyuk, the woman who tried to make people laugh, 1989
Os de baleine, pierre, ivoire
55.2 x 32.5 x 23 cm
  Mother killing fish, 1990
Os, corne, bois de caribou, pierre
33.9 x 27.2 x 23 cm

TALAYOAK

Karoo Ashevak (1940-1974)
Flying Shaman
Os de baleine, bois de caribou
12 x 25 x 5 cm

 

The coming and going of the shaman, 1973
Os de baleine, bois de caribou, pierre
38.5 x 27 x 29.5 cm

Spirit Figure, 1972
Os de baleine, bois de caribou, pierre noire, ivoire
37.5 x 78.8 x 15.5 cm

BAKER LAKE

Jessie Oonark (1906-1985)
Big woman, 1974
Crayon de couleur et encre
56.3 x 76.1 cm
Sunface and Birdcatchers, 1972
Tenture murale
250 x 177.5 cm


Collections d’art inuit à visiter :

Musée Nunatta Sunakkutaangit, Iqaluit, Nunavut
National Gallery, Ottawa, Canada http://national.gallery.ca
Musée canadien des civilisations, Hull, Québec http://www.civilisations.ca
Musée Brousseau, Québec http://www.inuitart.ca/
Galerie Saint Merri, Paris, France http://www.artinuitparis.com
Exposition « Inuit », Muséum d’Histoire Naturelle de Lyon, France http://www.museum-lyon.org/

A lire :
COWARD WIGHT Darlene, 2000, Art & Expression of the Netsilik, Winnipeg, The Winnipeg Art Gallery, 192 p.
GUSTAVISON Susan, 1999, Northern Rock, Contemporary Inuit Stone Sculpture, Kleinburg, McMichael Canadian Art Collection, 192 p.
HESSEL Ingo, 1998, Inuit Art, an introduction, Vancouver, Douglas & McIntyre, 198 p.
LEROUX Odette, JACKSON Marion E. et FREEMAN Minnie Aodla, 1994, Femmes artistes inuit, Echos de Cape Dorset, Hull, Musée canadien des civilisations, Musées nationaux du Canada, 253 p.
McGHEE Robert, 1984, La préhistoire de l’Arctique canadien, Montréal, Musée national de l’Homme, Musées nationaux du Canada, Editions Fides, 128 p.
SWINTON George, 1999, Sculpture of the Inuit, Toronto, McClelland and Stewart, 3ème édition, 304 p.
WALK Ansgar, 1999, Kenojuak, The life story of an Inuit artist, Penumbra Press, 248 p.

Catalogue de l’exposition « Inuit, Quand la parole prend forme », Muséum d’Histoire Naturelle de Lyon, Editions Glénat, 144 p.
Périodique, Inuit Art Quaterly, 4 numéros par an http://www.inuitart.org

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